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La pragmatique Ségolène Royal a donc « tendu la main » à un François Bayrou moins critique à son égard qu’à celui de Nicolas Sarkozy.

La solennité de l’évenement, même s’il est dû à un calcul politicien immédiat, doit être souligné.

En 2002, la réélection d’un impopulaire chef d’état à 82% des voix dénotait, quelles qu’en soit les circonstances, une crise politique majeure pour notre vieux pays.

Cinq ans plus tard, la participation record au premier tour de la présidentielle et la claque que se sont pris les candidats représentant les extrèmes de droite et de gauche, montrait que les électeurs avaient compris la leçon et acceptaient de faire confiance (bon gré, mal gré) aux trois représentants des partis qui avaient réellement l’intention de gouverner.

Mais en tirant les enseignements de l’élection de 2002, les trois « jeunes premiers » ont profondément modifié le paysage politique et une fois les cartes redistribuées dans leurs mains par 85% des électeurs, ils sentent confirmées leurs statégies de premier tour.

Il est clair (à plus de 31%) que le président de l’UMP a eu raison de « droitiser » le discours de son camp pour piquer les électeurs d’extrème droite, et il est net (à plus de 18%) que le président de l’UDF a eu raison de remettre en question son alliance avec la droite sans se marier avec la gauche.

Les choix des deux hommes comportent des risques, dont on n’a pas fini de nous rebattre les oreilles, parfois à juste titre, mais la révolution que Royal se propose de faire dans les consciences de gauche est plutôt de l’ordre du quitte ou double.

En tendant la main, donc, au président du futur Parti Démocrate (appelé à remplacer l’UDF) la compagne du premier secrétaire du PS décide, subitement, de proposer le fameux aggiornamento que la gauche française n’avait jamais tenté.

Celle que j’appelais Mitterande rompt avec la stratégie d’alliance à gauche qui avait fait gagner son mentor politique en 1981 et amené Jospin à gouverner pendant 5 ans, et joue son avenir politique personnel avec un sang-froid qui force le respect.

Car soit elle gagne le 6 mai et elle devient alors l’incontestable leader d’une nouvelle gauche, une femme d’état dont l’empreinte politique sera durable, soit elle perd et elle sera instantanément balayée par la foule de ses contradicteurs dans son propre camp, qu’elle vient de déstabiliser une fois de plus.

[Vous me direz, Sarkozy et Bayrou risquent leur avenir aussi. Mais vu leurs résultats au premier tour et le fait qu’ils sont déjà les chefs de leurs camps réciproques, un passage dans l’opposition serait vécu comme une petite traversée du désert en attendant 2012.]

Alors si Royal nous a déjà prouvé qu’une femme est un homme politique comme les autres (pour le meilleur et pour le pire, d’ailleurs), elle est en train de nous prouver qu’elle a, si je puis me permettre cette expression particulièrement machiste, « des couilles de taureau ».

De plus, en tentant de prendre une longeur d’avance sur son électorat, Royal se pose en chef d’état visionnaire ce que Sarkozy, malgré ses qualités politiques incontestables, n’a jamais réussi à faire.

NDH : Aggiornamento, « mise à jour » en italien, est un terme qui avait été utilisé en français pour définir la volonté de changement du concile Vatican II et qui a été repris, ensuite, pour définir le changement de culture des gauches européennes après l’effondrement du communisme soviétique.

Après l’historique premier tour, nous allons désormais devoir attendre deux longues semaines pour connaître le résultat du second tour de la présidentielle 2007.

Vous vous demandez, comment vous allez tenir le coup nerveusement ? Si vos rêves seront hantés, comme les miens, par le ralliement de Pasqua à Royal et celui de Rocard à Sarkozy ou, pire, par un sanglant attentat terroriste entre les deux tours ?

En ce qui me concerne, je vais me fixer des petits suspenses successifs destinés à me faire patienter et éviter de sauter sur mon canapé comme un jeune cabri, comme j’étais tenté de le faire hier à partir du moment où j’avais voté et jusqu’à la proclamation des premiers résultats.

Le premier rendez-vous est la réunion du parti communiste qui devra décider, dès demain, de la stratégie à adopter après la catastrophe politique du score de Buffet.
Le PCF va-t-il imploser ? Hue en reprenda-t-il le contrôle ? Un grand parti se créera-t-il à la gauche du PS ?

Le second rendez-vous, chronologiquement parlant, c’est la conférence de presse de Bayrou, qui devrait avoir lieu mercredi soir.
Lancera-t-il la création d’un nouveau parti ? Donnera-t-il une fort peu probable consigne de vote pour le second tour ? Comment envisage-t-il de sauver les députés UDF (élus en 2002 avec les voix de la droite) aux législatives de juin ?

Ensuite, on entendra parler des innombrables remous que va inévitablement provoquer, au FN, l’échec de son leader historique et tout plein d’autres bonnes choses, mais, comme d’habitude, on ne pourra voir qu’un épisode à la fois.

Vivement, vivement, vivement !

Enfin, à moins d’un mois du premier tour de la présidentielle, on commence un peu à s’amuser.

Le dernier qui m’a faire rire aura été (qui l’eût cru ?) le candidat de l’UMP, qui se décide à attaquer sa concurrente socialiste sur la nouvelle pomme de discorde gauche-droite (et qui jusqu’ici faisait partie des thèmes de l’éternel candidat frontiste) : l’identité nationale.

«Il y a une semaine, Ségolène Royal et François Bayrou disaient que j’avais tort. Madame Royal, avec le sens de la modération qu’on lui connaît maintenant, prononçait même le mot ignoble. Après avoir prononcé ce mot ignoble il y a une semaine, elle fait un discours entier sur l’identité nationale». «Je ne lui en veux pas, c’est bien qu’elle comprenne».

Ca c’est de la belle attaque ! Sportive, frontale, civilisée. On pourrait même trouver que sur ce point Sarkozy fait preuve d’un certain panache.

Jusqu’ici il y était allé mollo, en parlant de sa rivale, parce qu’il était un peu gêné aux entournures et craignait que chacune de ses attaques ne se retrouve soulignée en rouge avec, dans la marge, la remarque « sexiste ».

Ce qui était plutôt une bonne stratégie et pas seulement sur le plan moral, puisque Royal a déjà montré qu’elle était fort capable de trouver du sexisme là ou il n’y en a pas et de se poser en victime de la grosse méchante société machiste, même dans les quelques cas où le problème ne se pose pas.

Or il fallait bien commencer à l’attaquer, Mitterande, non seulement parce que le futur ex ministre de l’intérieur commence à baisser dans les sondages, mais aussi parce qu’elle commence à devenir bonne.

Depuis cette semaine, notamment, il semble que la picto-charentaise ait trouvé son ton, ses arguments et, surtout, retrouvé sa liberté de parole, celle qui lui avait permis de rafler le P.S. au nez et à la barbe (n’est-ce pas particulièrement le cas de le dire ?) de ses petits camarades.

Jusqu’à ces derniers jours, j’écoutais les discours de la candidate en baîllant, bercé par la solide langue de bois dont elle avait toujours fait preuve (je n’ai d’ailleurs jamais compris où les médias avaient trouvé le fameux « parler vrai » qui, d’après eux, justifiait son extraordinaire succès dans les sondages l’an passé).

Pendant ce temps, Sarkozy utilisait les mots des gens, quitte à parler de « racaille » et de « kärcher » pour se faire comprendre alors que l’énarque socialiste utilisait des phrases pompeuses qui, régulièrement, ne nous donnaient aucune idée de son opinion et nous faisait même douter qu’elle en avait une.

[Du coup, j’entendais souvent, chez les éminents spécialistes politiques (ma boulangère, la brave petite dame du pressing et autres passants enthousiastes) la phrase « moi je voterai bien pour Sarko, parce que lui au moins je comprends ce qu’il dit ».]

Mais, alors que Sarkozy avait decidé de parler d’une voix plus grave et plus calme, et qu’il semblait de moins en moins naturel et de plus en plus coinçé dans sa posture de rassembleur, Royal commençait à moduler son ton, à associer son regard aux mots qu’elle employait, à montrer sa pugnacité, bref, à devenir crédible.

[Juste pour observer ces deux phénomènes – et si d’aventures leurs programmes vous intéressaient – je vous conseille chaleureusement les deux éditions spéciales de France Europe Express des 17 et 18 mars, disponibles gratuitement ici]

Alors quand Sarkozy commence à prendre les propos de Royal à la rigolade comme il l’a fait (sur un sujet qui prête pourtant peu à l’humour, surtout dans sa bouche) je me dis que c’est une bonne nouvelle.

C’est une bonne nouvelle, parce que s’ils commencent à se lâcher tous les deux et à entrer dans une bataille frontale, on pourra peut-être oublier un peu tous les inutiles autres candidats(*) et profiter d’un beau match.

Parce que je continue à penser que si on accepte de fermer un peu les yeux sur leurs lourdingues recours à la démagogie poisseuse, le duel entre ces deux là sera sportif, de qualité et que leurs idées et thêmes respectifs gagneront en profondeur et en crédibilité s’ils s’affrontent au second tour.

Au fait, si vous ne savez pas trop qui défend les idées qui vous conviennent le mieux, je vous conseille ce test sur le site du Monde.

(*) Pourquoi s’embarrasser de précautions oratoires quand on sait que dix candidats sur douze n’ont pas les moyens de gouverner, et que certains d’entre eux n’en ont même aucune envie ? Doit-on vraiment voter pour ceux qui ne pensent qu’à financer leurs partis ?

C’est par ces mots que François Mitterand, à l’époque président de la république, avait sous-entendu (ou clairement annoncé, selon les interprétations) que sa fin était proche, au cours de la cérémonie des voeux annonçant la « bonne année » 1995.

[C’est probablement cette phrase qui a inspiré le « Il y a une vie… jusqu’à la mort » de Chirac, qui a sans doute voulu laisser plâner une sentence censément sybilline avant son départ]

C’est par cette fameuse phrase que se présente un blog, particulièrement savoureux, dans lequel l’ancien président de la république (si ce n’est pas lui, alors qui ?) commente la campagne présidentielle actuelle ainsi que les petites stratégies des uns et des autres, se gausse de « son successeur », des « jospiniens », de sa cible préférée, Rocard, et se trouve des ressemblances avec sa potentielle successeuse (on féminise les mots ou pas ?) dont il prédit assurément la victoire.

Pour moi qui voit en Ségolène Royal une « Mitterande » et qui prédit obstinément sa victoire quelque soient les sondages actuels, je me régale des billets de ce blog que je vous conseille chaleureusement (et puis, si ça peut m’éviter de réviser pour mon prochain contrôle de maths).

Vous ne savez pas pour qui voter en 2007 ?

Votez Mitterand !

Il aura attendu le dernier moment pour le dire (il reste 5 jours aux candidats à la présidentielle pour obtenir leurs 500 signatures d’élus locaux) et il l’a dit joliment, clairement, presque à regrets :

« Je ne solliciterai pas vos suffrages pour un nouveau mandat ».

Quelques mots pour nous dire qu’il nous aime, qu’on ne l’a pas élu pour rien, même si beaucoup de chemin reste à faire, et annoncer qu’il aura prochainement l’occasion de dire quel candidat il soutient pour prendre sa relève.

C’est finalement arrivé. Chirac s’en va.

Pour le première fois depuis que je le regarde, il m’a semblé qu’au delà des mots qu’il prononcait, sa voix vibrait d’une émotion sincère.

Mais on peut ne se sentir, ce soir, ni orphelin, ni desolé.

De plus, avant même que « le président de la république » ne se décide à dire qu’il soutient Sarkozy (*) on peut se décider à prendre au sérieux l’échéance qui s’annonce. Car même s’il le fait de façon moins violente que Giscard en 1981 (qui avait laissé sa chaise vide devant les caméras de télévision), Chirac rappelle qu’il va falloir le remplacer.

On pourrait imaginer que les jours qui viennent montrent un changement sensible du regard que les citoyens portent sur les trois principaux candidats à la présidentielle.

En effet, on va pouvoir jauger les Bayrou, Royal et Sarkozy à l’aune de la solennité du discours du chef de l’état sur sa succession.

Autrement dit – et malgré toute la difficulté de l’exercice – il va falloir essayer de les prendre au sérieux.

(*) On se doute que Chirac soutiendra son camp, mais il pourrait faire comme Mitterand, en 1995, qui a dit du bout des lèvres qu’il voterait Jospin et s’est ostensiblement affiché ensuite avec celui qui est devenu son successeur. Chirac, qui déteste Sarkozy au moins autant que Mitterand détestait Jospin nous fera-t-il la surprise de se montrer cordial avec Bayrou ou avec Royal ?

Les interventions de Ségolène Royal ont tendance, ces derniers jours, à être qualifiées de « quitte ou double », tant la campagne de la madone au tailleur blanc continue de traverser des « trous d’air » (selon le cliché à la mode).

Le dernier « quitte ou double » ségolien a eu lieu hier soir, dans l’évenementielle « J’ai une question à vous poser » de TF1.

Il semble que l’émission en question ait pour objectif de servir la soupe aux candidats interrogés tant on s’aperçoit que les français, s’ils sont « experts de leur quotidien », ne le sont pas de la politique et ont une fâcheuse tendance à ne voir les choses que par le petit bout de la lorgnette. C’est le moment, sans doute, de se souvenir que les journalistes et autres analystes politiques ou sondagiers ont – pour certains d’entre eux, en tout cas – retenu deux trois bricoles de leurs longues années d’études. Bricoles qui leur permettent de contredire les élus, de les mettre en difficulté, voire de les pousser à bout afin de « briser la langue de bois » une fois de temps en temps.

Donc, s’il est clair que cette émission ne sert pas à grand’chose sur le fond, elle est sans doute utile sur la forme. Elle a permis, en effet, de confirmer que Sarkozy tiendrait la route jusqu’au bout (ce qui n’était pas évident il y a seulement quelques semaines) et de démontrer, hier soir, que Royal tiendrait également la distance et que sa personne intéressait encore les français, lesquels étaient 700.000 de plus à la suivre qu’ils n’étaient à suivre son rival de l’UMP quinze jours auparavant.

[Lang va jusqu’à dire, aujourd’hui, que cette audience de 8,9 millions de péquins est même un record historique qui ne trouve son égal que 15 années en arrière, oubliant avec la merveilleuse mauvaise foi qui le caractérise, que Chirac avait réuni plus de 20 millions de « cerveaux disponibles » lorsqu’il a (non-) promulgué le C.P.E. en 2006.]

Autrement dit, Sarkozy et Royal s’affronteront jusqu’au bout et ont des chances équivalentes de l’emporter, même si Lady Nunuche (dixit Le Pen) adore se faire plaindre sur le fait que ce soit « tellement plus difficile pour une femme » oubliant au passage que personne à droite n’a tellement facilité l’ascension de Sarkozy ni de n’importe quel ambitieux ou ambitieuse dans n’importe quel parti.

Reste donc la nouvelle et délicieuse inconnue de la campagne présidentielle de 2007 que personne n’avait vraiment anticipée : la progression continue du centriste béarnais dont on nous dit aujourd’hui qu’il battrait indifféremment la gauche ou la droite au second tour (sans nous expliquer, d’ailleurs, comment il ferait pour passer le premier).

Bayrou profite donc de la stratégie qu’il a démarrée en 2002 lorsqu’il gifla un gamin qui lui faisait les poches pendant la campagne présidentielle, lorsqu’il gifla également la droite de Juppé et de Sarkozy pour conquérir son indépendance et en reprenant, dernièrement, quelques antiennes paranoïaques de l’extrème-droite (théorie du complot et autre défiances sur les « puissants »).

« L’extrème-centre » sera donc une des clés du premier tour de scrutin de la présidentielle 2007 et jouera incontestablement un rôle dans le déroulement du second.

Qui l’eût cru ? Surement pas moi.

Mais si Bayrou installe le centre dans la campagne présidentielle, j’y vois au moins deux avantages : d’abord que le vote contestataire (ni droite ni gauche) puisse être personnifié par quelqu’un d’autre que Le Pen et, ensuite, que les candidats UMP et PS soient obligés de prendre en compte quelques éléments inexistants dans leurs discours du moment (notamment au sujet de l’Europe).

Voila qui donne une idée des futures gesticulations de nos trois candidats préférés dans les jours, voire dans les semaines, qui viennent.

NDH : Ca n’a rien à voir mais ce blog fête aujourd’hui ses un an et près de 10.000 connexions (ce qui peut se fêter par un grand concours de « qui fait pipi le plus loin », non ?).

Malgré la suspiçion qu’il a lançé lui-même sur la nouvelle émission de TF1 « J’ai une question à vous poser », Le Pen (Ier du nom, hein, pas fifille) s’est précipité à la tribune qui lui était offerte hier soir, à la place qu’occupait Sarkozy lundi dernier.

La première chose qui m’a frappé en voyant le président du Front National face aux questions des « vrais français » c’est qu’il n’était pas très à l’aise.

Le grand orateur, capable de petites phrases assassines, de commentaires politiques fins et bien pensés, s’est transformé en élève bafouillant, caricatural et finalement assez maladroit.

Sa mémoire semblait flancher souvent, il attendait les questions avec le dos courbé, le visage tendu, la mâchoire crispée, comme s’il craignait la « pensée populaire » dont il se réclame pourtant depuis plus de 30 ans.

Depuis le début de la campagne un peu abrupte de Bayrou, qui lui pique sa critique des puissants et sa théorie du complot, ainsi que les campagnes de Royal et de Sarkozy, picorant sans complexe sur ses terrains de chasse favoris, Le Pen est poussé à se retrancher sur ses antiennes de « l’immigration massive », du « retour des frontières », de la « sortie de l’Europe » et autres vieux tubes qui avaient fait le succès du F.N. dans ses meilleures années.

Bref, à devenir sa propre caricature.

Cette émission me rappelle celle qu’avait subie (à sa propre intiative, bougre de lui) le président actuel devant des jeunes lors de la campagne réféndaire de 2005. Il avait fini par apparaître decalé, mal à l’aise et finalement… vieilli.

Pour un homme qui dit souvent qu’il faut « sortir les sortants » et que « charité bien ordonnée commence par soi-même » on finirait par souhaiter qu’il fasse le lien entre ces deux phrases.

C’est sûr qu’il nous manquerait. Les campagnes présidentielles seraient moins drôles et moins piquantes sans lui, mais gageons qu’une fois libérés de cette forte concurrence, d’autres candidats (Villiers, Buffet, Besancenot…) développeraient leur potentiel comique (*).

La politique doit rester une fête, que diable !

(*) Au cours de la même émission, Buffet a tenté un « Je ne veux pas faire de démagogie » du plus bel effet.

De l’avis général (à l’exception de la droite, naturellement) l’entrée en campagne de Ségolène Royal hier à Villepinte est une réussite.

Elle a trouvé un ton, un rythme, et a réussi à devenir la candidate de gauche qu’elle n’avait jamais été (on ne peut plus dire « candidate socialiste » puisqu’elle représente également les radicaux de gauche et les chevènementistes).

De plus, la salle bondée de militants enthousiastes et la présence des Fabius, DSK et autres éléphants jusqu’ici plus discrets, a donné une légitimité toute neuve à une candidate qui en avait besoin, particulièrement depuis l’entrée en campagne officielle de son principal rival, Sarkozy, qui chasse sur ses terres au cri de « Blum » et de « Jaurès » depuis la mi-janvier.

Il y a bien quelques réserves qui sont apportées sur les manques de ce discours « fondateur » (selon l’adjectif cliché à la mode) concernant la fiscalité, les recettes, l’europe ou la politique internationale, mais dans l’ensemble, les observateurs politiques parlent d’une examen de passage réussi.

En ce qui me concerne, j’ai relevé trois choses qui m’ont déçu, surpris et fait mourir de rire.

D’abord j’ai trouvé décevant que « Mitterande » fasse monter la mayonnaise autour de ses débats participatifs en annonçant qu’on va « voir ce qu’on va voir » pour finir par nous recracher le programme du P.S. (dont j’ai déjà dit ici que je ne le trouvais pas bien bandant) décoré de quelques bribes de « ségolisme » sur l’encadrement militaire ou les jurys citoyens.

J’ai trouvé surprenant qu’après avoir tenté (plutôt avec succès) d’incarner une sorte de renouveau à gauche, elle reprenne le très démagogique et (donc) très fabiusien « SMIC à 1.500 euros » histoire de remplir les premiers rangs de la salle avec ceux dont elle disait plus ou moins fort qu’elle ne les remettrait pas en selle si elle était élue (notamment Aubry, Fabius et autres Delanoë). Obligation de jouer la ressembleuse, sans doute.

Mais le plus beau passage, de mon point de vue, fut celui sur les banlieues.

D’abord c’est la première fois que la candidate prend des accents de présidente, tente de montrer qu’elle a des convictions et exploite la faille que représente, dans le bilan de Sarkozy, le soulèvement des banlieues de la fin 2005.

Ce passage était donc d’une grande importance à la fois sur le plan stratégique et sur le plan de la « cristallisation émotionnelle » puisqu’elle nous a fait le coup des trémollos dans la voix.

Pour ma part, j’ai bien ri lorsqu’elle a commencé à dire que c’était en tant que mère qu’elle avait envie de régler le problème de « ces jeunes » et qu’elle a pris le ton regardez comme je suis sincère et comme ça me prend aux tripes en disant « ce projet je l’ai, là [poing fermé sur le ventre], chevillé au corps ».

C’était beau comme l’antique.

***

« Sarkozy se réclame de Jaurès ? Mais dites-moi, ils est depuis longtemps maire de Neuilly, je crois. Vous connaissez une rue, avenue ou un boulevard Jaurès à Neuilly ? » (citation approximative – Hollande dans Ripostes sur France 5).

C’est pas finement joué, ça ?

Ce soir, à la suite du journal de 20h de France 2, « le » (elle y tient) ministre de la Défense Michèle Alliot-Marie, a déclaré officiellement forfait pour la course à la présidentielle 2007.

Elle a ajouté qu’elle soutiendrait son camp, c’est à dire son ancien rival Sarkozy.

Gilles Leclerc, chargé d’interviewer MAM dans le vrai faux coup de théâtre du soir, n’a pas pu s’empêcher de demander : « Alors finalement… Tout ça pour ça ? »

Et c’est vrai que depuis le temps qu’elle nous faisait lambiner, « le » ministre, on a un peu l’impression d’avoir été dérangé pour rien.

Quelques excuses vaseuses sur l’obligation morale qu’elle a de faire gagner son camp, sur ses idées (elle en avait et elle nous le cachait ?) soi-disant reprises par son nouveau candidat préféré et pas un mot sur le splendide vautrage qu’ont été, pour elle, les « débats » primaires de l’UMP, ni sur le peu d’enthousiasme que sa candidature a pu générer ici ou là.

Et pour finir en beauté, à la question « Et si Chirac décidait de se représenter, vous feriez quoi ? » elle a laissé entendre qu’elle pourrait oublier son ralliement tout frais à Sarko pour retourner dans la maison mère chiraquienne.

Vu la mauvaise gestion du temps politique ainsi que le peu de convictions personnelles que la dame a montrés ce soir, on peut ne pas se sentir orphelins.

Et puis, des mauvais candidats, il en reste encore plein.

Si la campagne présidentielle, déjà largement entamée, nous a surtout montré l’efficacité du souvenir de 2002 pour les deux partis dominants (par les retraits successifs de Taubira, Chevènement, Boutin, par exemple) elle nous montre en ce moment les limites de ces « pactes d’avant premier tour » par les parcours solitaires et contradictoires de mes deux petits chouchous du moment : Marie-Georges Buffet et Nicolas Hulot.

Buffet, d’abord, est en train de vivre une période difficile, qui est la suite logique du rejet, en 2002, de la « gauche plurielle » en général et du PCF en particulier (Hue avait fait 3,37%).

Du coup, elle a été obligée de recentrer son discours vis à vis du PS et croit pouvoir sauver les restes du PCF grâce aux « collectifs anti-libéraux » qui s’étaient engagés avec lui dans la campagne pour le « Non » au référendum européen.

Mais cet espoir semble en train de s’effriter. La LCR et LO ont déjà annoncé qu’elles seraient candidates de toutes façons et Buffet s’obstine à se présenter comme la candidate anti-libérale idéale dans le but de sauver les meubles communistes.

C’est, à mon avis, le non-dit de l’actuel fouillis observé ces temps-ci chez les « anti-libéraux ».

La victoire du « Non » au référendum de 2005 leur avait donné une chance historique de se regrouper et de faire entendre un discours, qu’on veut bien croire sincère, sur la remise en question de la « société capitaliste ». Un regroupement entre LO, LCR, PCF et les différents « collectifs » ayant une chance de retrouver, voire de faire progresser, le score qu’ils faisaient séparément en 2002 (déjà au-delà de 10%).

Las, les stratégies personnelles et partisanes auront tellement embourbé ce « grand soir » qu’il est désormais probable que chacun de ces groupes se présente de nouveau séparément et ne pèse pas sur le deuxième tour, c’est à dire sur la politique de rassemblement qui sera effectivement menée ensuite.

De son côté, Hulot a pris le pari, et le risque, de peser pendant la campagne présidentielle en se faisant le porte-parole de plusieurs associations, collectifs ou experts écologistes, afin de faire passer 5 propositions concrètes, incluses dans un « pacte écologique » qui doit réveiller nos consciences et nous préparer à un futur qui ne s’annonce pas radieux.

Sa menace était claire : si aucun des leaders politiques ne l’entendaient, il se verrait dans l’obligation de se présenter à la présidentielle.

Classe ! Et sans doute une démarche efficace.

Le principal problème (« pardon de le dire« ) c’est qu’il est aujourd’hui contraint de se présenter par fidélité à ses convictions, mettant de côté sa vie personnelle et son émission sur la très écologique (?!?) TF1 et qu’il est surtout contraint de débattre alors qu’il n’est pas un extraordinaire rhéteur.

C’est grâce à sa popularité que Hulot a réussi à obtenir autant d’attention de la part des citoyens, lesquels semblent prêts à l’écouter sur des sujets où ils le sentent sincère, mais c’est à cause de sa popularité que le ton commence à monter du côté des partis politiques qui craignent les 10% d’intentions de vote dont le présentateur télé est actuellement crédité.

Hulot est conscient de ses limites face à des professionnels du débat politique et il est vrai (« pardon de le dire« ) que ça commence à se voir.

Ces deux personnages sont donc contraints de se présenter, quitte à se tirer une balle dans le pied.

Qui peut imaginer que Buffet se retire en admettant que l’empreinte de son parti pèserait trop lourd sur le résultat électoral d’une « candidature de rassemblement anti-libéral » ?

Qui peut imaginer que Hulot se retire parce que Royal et/ou Sarkozy auraient suffisamment pris en compte ses propositions ?

***

Et maintenant une petite devinette :

Qui est l’ancien premier ministre français qui s’est battu en 2005 pour le « Non » uniquement avec sa bouche et tout en disant « Oui » avec ses doigts ? Qui a jugé que Hulot serait prêt au calcul personnel et lui a proposé d’être « vice-premier ministre du développement durable » en échange de son retrait ?

Qui s’est invité chez les anti-libéraux, et notamment à la Fête de l’Humanité, en espérant devenir le leader du « Non » pour la présidentielle de 2007 ? Qui a cru représenter les ouvriers en disant qu’il regardait « Star Academy » et qu’il aimait les carottes rapées ?

Et, enfin : Qui va se retrouver le bec dans l’eau en avril 2007 et n’aura plus qu’à se trouver une île bretonne ou il pourra jouer à « qui fait pipi le plus loin » avec son meilleur ennemi ?

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